Parutions

Les Cinq positions du marionnettiste

CAHIERS PARTAGES N°3 (ODIA NORMANDIE)
Septembre 2006
Des théâtres par objets interposés

Les cinq positions du marionnettiste

Nous observons cinq positions du manipulateur par rapport à sa marionnette. Ces cinq positions – cinq comme les doigts de la main – seraient les consonnes d’un alphabet imaginaire dont les voyelles seraient les types majeurs de marionnettes (gaines et tiges, fils et tringles, projections optiques, etc.).
Cette analogie indique seulement que ces positions ne s’excluent pas l’une l’autre. Leur association, en cheville avec des techniques de manipulations différentes, mène à une palette d’expression infinie.
Par rapport à sa marionnette, le manipulateur est donc :
1. Dessous ;
2. Dessus ;
3. À niveau (comme le Bunraku) ;
4. Dedans (masque recouvrant entièrement le manipulateur) ;
5. Loin (marionnette télécommandée, effets d’optique « spectres et ectoplasmes »).

Ces cinq positions impliquent pour le marionnettiste un exercice très particulier qui est celui de maîtriser deux espaces contigus en simultanéité : un espace « réel » qui est celui d’où se pratique la manipulation, et un espace «virtuel » qui est celui où sont présentées les marionnettes et leurs actions. Le premier est un espace souvent contraignant, le second est un espace idéal, libre où tout semble possible. Cette scénographie originale par rapport au théâtre s’est condensée dans la notion de «castelet ».

Les positions du marionnettiste appliquées au jeu

Jouer sous sa marionnette

L’énergie de la marionnette (son image, son mouvement) semble mettre l’acteur « à la traîne ». Cette forme se voit par exemple dans le jeu bien connu où la marionnette rente de s’échapper de l’emprise de son manipulateur ou fuit mine de devenir indépendance.

Jouer sur sa marionnette

L’énergie de l’acteur domine cette fois. La marionnette est un artifice, un indicateur pour nous montrer l’acteur ou le personnage. Cette forme se rencontre souvent dans le théâtre de table ou de papier où les figures sont au service du talent du bonimenteur.

Jouer derrière sa marionnette

C’est un jeu équilibré où ni la marionnette ni l’acteur ne prend le dessus. Ils sont ensemble dans une expression de vie parallèle. Ou bien, l’expression passe rapidement de l’un à l’autre ? Ou bien encore, leurs expressions se complètent (la mobilité des traits du visage de l’acteur indique les émotions du visage impassible de la marionnette). Cette forme se rencontre dans les réalisations dites « masque sur la main », de Bunrakus manipulés à vue, de mannequins empoignés…

Jouer dans sa marionnette

Il s’agit de prêter vie d’étonnante façon à quelque chose qui manifestement n’en a pas : « Le marionnettiste identifie sa poupée avec les personnages qu’il lui fait incarner. (…) Alors la marionnette prend une vie singulière, elle devient véritablement un être. » André-Charles Gervais, « Paradoxe sur le marionnettiste » in Propos sur la marionnette, Bordas 1947.

Jouer à distance de sa marionnette

C’est la pratique de la dissociation des éléments à manipuler, par exemple dans les formes de choeurs joués (un manipulateur anime la marionnerre, et un autre la parle. Une marionnette est manipulée par plusieurs manipulateurs. Une marionnette passe de main en main… ).

Pierre Blaise